Dans une interview, Dr Ahipeaud Martial décrypte les limites du système éducatif ivoirien
Le président de l'Union des Anciens de la FESCI, par ailleurs enseignant-chercheur à l'Université Alassane Ouattara de Bouaké, Dr Ahipeaud Joseph Martial, a accordé une interview le lundi 17 octobre 2022, à son domicile sis à Abidjan dans la commune de Cocody. Au cours de cette rencontre, plusieurs sujets ont été au menu, notamment celui du système éducatif de la Côte d'Ivoire.
Bonjour Docteur ! , Que peut-on retenir de vous à l'état civil?
Je suis Martial Joseph Ahipeaud, je suis né le 29 juin 1966, à Lakoa. J'enseigne l'histoire des relations internationales, à l'Université Alassane Ouattara de Bouaké.
M. Ahipeaud, vous avez été le premier secrétaire général de la Fesci.
Aujourd'hui, en tant que président de l'Union des Anciens de la Fesci ( Unafesci), comment trouvez-vous vous l'image de la Fesci actuelle ?
Je pense que ces sept dernières années, (…), le SG actuel, fait un travail énorme de réorientation du mouvement, dans le sens de la lutte syndicale effective. Il est vrai que pendant la période de la crise, il y a eu des dérives extrêmement lourdes, puisque tout l'environnement social était infecté de militants de toutes parts. Après la crise, je crois que les dirigeants actuels sont en train de faire un travail. Nous les encourageons chaque jour, pour aller dans le sens d'un syndicalisme militant responsable et démocratique.
Professeur, dans votre discours, lors d’une cérémonie à Cocody, vous avez affirmé que pour détruire une nation, il faut détruire son système éducatif. Qu’entendez-vous dire par là ? Est-ce à dire que le régime en place a failli à sa mission ?
Ce n'est pas le régime seulement, c'est une défaillance institutionnelle qui date de longtemps. Si on a créé la Fesci, c’est justement pour répondre à ces défaillances. Malheureusement, l’Etat, à partir de 1997, a complètement abandonné la formation universitaire et a permis la prolifération de ce qu'on appelle, dans notre milieu, les universités boutique. Or ses universités boutiques. Celles-ci, formant les étudiants globalement au rabais, le produit qui en sort n'est pas apprécié par le marché. Du coup, il y a une défaillance qui a des répercussions sur la vie de ces jeunes et sur la nation.
Donc il est important, comme on l'a fait avec le professeur Mariatou Koné, de faire les états généraux de l'éducation. Ces états généraux ne devraient pas seulement se focaliser sur le secondaire, mais aller du primaire jusqu'au supérieur.
Quelles sont vos propositions ?
Le plus important pour moi est de réunir les composants du système éducatif plus les deux volets c'est-à-dire le privé et le public de se rencontrer dans une concertation scientifique afin de sortir un produit final. Il faut aussi changer la marquette éducative parce que l'école telle qu'on l'a connait est le produit d'une philosophie coloniale et c'est en fonction de cette philosophie et des besoins de la colonisation que la marquette stratégique a été fait. Depuis cette époque rien n'a changé. Je vous donne un exemple concret au niveau du département d'histoire dans lequel je suis, en lieu et place de l'histoire de l'Afrique qu'on doit enseigner, c'est plutôt l'histoire selon la conception occidentale précisément Français. Donc il fait décoloniser le système éducatif.
Professeur, aujourd'hui il y a 3000 docteurs qui manifestent dans les rues parce qu'ils ne sont pas recrutés. Quelle est votre position sur cette affaire ?
Mais c'est un scandale à tout point de vu puisque on devient docteur après sept à huit ans mais dans le système éducatif ivoirien c'est pratiquement 10 ans qu'on consacre à ce projet. Malheureusement les directions de notre pays en ce qui concerne la formation académique on a manqué de coaching lorsqu'en 2011 on a adopté la nouvelle formule qui est le LMD . Ce système donne une possibilité de spécialisation en profondeur mais dans en Côte d'Ivoire la planification n'a pas été parfaite puisque pour que tu deviennes un spécialiste il faut qu'au niveau des unités pédagogique on est dégagé éventuellement des espaces qui n'ont pas encore de spécialistes et c'est à partir de la que le directeur de l'unité pédagogique peut donner la possibilité à un enseignant de coacher un étudiant au niveau du Master a fait cette spécialisation. Ça n'a été le cas du coup d'un point de vue structurel on se retrouve avec une quantité industrielle de produits académique mais en réalité beaucoup ont la même spécialité. Donc il faut penser à réorganiser les choses (...)
M. Ahipeaud martial, Nous sommes pratiquement au terme de cet entretien. Quel est votre message à l’endroit de la jeunesse, voire de la nation ivoirienne ?
Aujourd’hui, notre souhait, c’est que nous créions les conditions de repenser notre nation pour les prochaines décennies. Nos ainés sont là. Ensemble, on peut essayer de concevoir quelque chose qui nous permettrait éventuellement de faire sortir notre pays de la belligérance permanente, du ressentiment. Si on a réussi cela, je pense que ce serait fantastique.
Le rôle de la jeunesse de notre pays, c’est de contribuer à ce combat. Faire en sorte que ceux qui ont des talents, comme on l’a vu avec le jeune Morrison, puissent prospérer. Et que ceux qui sont de mauvais exemples ne soient pas les références. Je crois que c’est ça qui est le plus important. Si on a compris cela, en principe, cette décennie, qui doit être celle d’un rattrapage stratégique pour notre pays, va vraiment nous déterminer pour les trois ou quatre prochaines décennies.
CT avec sercom