Vote: En Centrafrique, les élections malgré tout
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Un votant, dimanche dans le quartier musulman PK5 à Bangui. Le second tour de la présidentielle est organisé en même temps que le premier tour des législatives.
Photo Siegfried Modola. REUTERS
A l'issue d'un premier
tour désorganisé, les électeurs doivent choisir ce dimanche entre deux
candidats dans un pays miné par les violences intercommunautaires.
Parallèlement à la présidentielle, les législatives ont lieu après l'invalidation
du scrutin de décembre.
En Centrafrique, les élections malgré tout
«Le matériel électoral
est arrivé à temps, les bureaux de vote ont ouvert à l’heure. De gros progrès
ont été faits», dit Souleymane Ndéné Ndiaye, chef de la mission d’observation
de l’Union africaine, optimiste. C’est le principal enjeu du second tour de
l’élection présidentielle qui se tient ce dimanche en Centrafrique : éviter le
chaos organisationnel du premier tour. Fin décembre, celui-ci avait suscité
l’enthousiasme et s’était déroulé sans violence, mais avait été terni par de
nombreux problèmes logistiques. Des bulletins de vote en nombre insuffisant,
des noms absents des listes électorales, des procès-verbaux invalides… La Cour
constitutionnelle a dû fermer les yeux sur bon nombre de cafouillages et
adapter les standards démocratiques à la situation. Elle s’en est finalement
tirée par une pirouette pour le moins paradoxale. Les résultats de l’élection
présidentielle ont été validés, tandis que ceux des législatives, qui s’étaient
tenues en même temps, dans les mêmes bureaux de vote, ont été annulés en raison
«de nombreuses irrégularités».
Les deux scrutins se
tiennent à nouveau conjointement. Le vote, initialement prévu le 31 janvier, a
été reporté de deux semaines afin d’éviter la précipitation du premier tour,
organisé sous la pression de la communauté internationale. La mobilisation est
nettement moindre qu’en décembre, mais les électeurs présents continuent
d’espérer que cette élection permettra de tourner la page après trois années de
violences intercommunautaires. «Nous avons beaucoup souffert. Il faut que nous
trouvions un bon leader, capable de réunir tous les Centrafricains», dit Mexin
Tété, un étudiant qui vote à Boy-Rabe, un quartier populaire de Bangui, la
capitale.
Peu
de différences programmatiques
Deux candidats sont en
lice pour la magistrature suprême. Faustin Archange Touadéra et Anicet Georges
Dologuélé, deux anciens Premiers ministres, tous deux âgés de 58 ans. Anicet
Dologuélé, qui a dirigé le gouvernement d’Ange-Félix Patassé de 1999 à 2001,
est arrivé en tête du premier tour avec 23,78% des voix. Ce technocrate,
banquier de formation met en avant son expérience pour rassurer les milieux des
affaires. Faustin Touadéra (19,42%), professeur de mathématiques, joue la carte
de l’humilité et se présente comme le «candidat du peuple». Ancien ministre de
François Bozizé (2008-2013), il a attiré une partie de la base électorale du
KNK, le parti du président déchu, qui avait pourtant appelé à voter pour Anicet
Dologuélé. Les programmes des deux candidats comportent peu de différences. Les
priorités sont évidentes dans un pays en ruines. Chacun s’engage à restaurer la
sécurité, à relancer l’économie et à réconcilier les communautés.
Diverses alliances se
sont nouées avec des candidats qui n’ont pas franchi le premier tour de la
présidentielle. Désiré Kolingba, troisième (12,04%), s’est rallié derrière
Anicet Dologuélé, tandis que Martin Ziguélé, quatrième (11,43%), a appelé à
voter pour Faustin Touadéra. «Des promesses ont dû être faites en échange de
ces soutiens. Mais certaines de ces alliances n’ont pas de sens politiquement
et sont donc fragiles», confie un observateur. Le scénario idéal serait une
large victoire de l’un des deux candidats afin d’éviter les contestations après
l’annonce des résultats. Mais le duel pourrait être serré.
Patricia Huon à Bangui