Qui profite, ou pas, de la chute vertigineuse des cours du cacao?
La chute des cours du cacao, une bombe sociale en Côte d'Ivoire. C'est le
titre d'une dépêche de l'AFP. Les cours du cacao sont toujours très fluctuants,
la glissade des prix est-elle vraiment si forte?
Un chiffre suffit pour l’ illustrer : moins 40 % en six mois, le niveau
le plus bas depuis huit ans. Laurent Pipitone est directeur de la division
économie à l'ICCO, l'Organisation mondiale du cacao. Pour lui, cette chute est
vertigineuse : " C’est une chute particulièrement importante qui nous
inquiète à l’ICCO tout simplement parce qu’une telle glissade va affecter de
façon importante les revenus des producteurs. Si ce niveau de prix est maintenu
dans les mois voire les années qui viennent ce qui est possible, cela va
affecter l’ensemble des programmes de durabilité qui ont été mis en place. On
ne peut pas avoir de cacao durable si les producteurs de cacao n’ont pas de
revenus suffisants pour subvenir à leurs besoins et restent à un niveau de
pauvreté important ".
Niveau garanti
Les deux pays principalement concernés sont la Côte d'Ivoire et le Ghana,
60 % du marché mondial à eux deux. Le niveau des prix y est pour l'instant
garanti aux producteurs, mais un nouveau prix sera fixé au printemps. C'est
alors que la bombe sociale pourrait éclater.
La chute des prix affecte les producteurs de cacao. A l'autre bout de la
chaine, est-ce que les consommateurs en profitent ? Cela semble aller de soi,
mais ce n'est pas le cas ce qui mérite quand même quelques explications.
Entre le cultivateur et celui qui déguste sa tablette de chocolat, il y a
de nombreux intermédiaires. Ethiquable est une entreprise française spécialisée
dans le commerce éthique. Christophe Uberhart est un des cofondateurs et le
responsable des filières : " En général quand il y a une baisse des cours
des matières premières, les grands opérateurs ne la répercutent pas forcément
aux consommateurs. Nous allons toujours payer nos tablettes de chocolat au même
prix et ce sont plutôt les acteurs de l’aval de la filière, les
transformateurs, les fabricants qui vont bénéficier de ces nouvelles marges et
ce sont les producteurs qui vont en pâtir ".
Question de marge
Finalement, les seuls gagnants de cet effondrement des prix sont donc les
intermédiaires et notamment les fabricants de chocolats. Le cacao intervient
pour environ un tiers dans le prix de vente du produit fini. Quand les cours
baissent, la marge du chocolatier augmente.
Pour Jean Galler, c'est logique et même nécessaire : " Le secteur du
chocolat n’est pas un secteur qui gagne énormément d’argent. Si c’était comme
dans certains secteurs où les bénéfices sont énormes, le chocolatier pourrait
envisager une diminution pour en faire profiter le consommateur. Mais ce
dernier bénéficie déjà de prix bas toute l’année en Belgique. Quand les cours
du cacao diminuent comme c’est le cas pour le moment, cela permet au
chocolatier d’en revenir à des marges un peu plus normales ".
Un raisonnement économiquement logique. Mais tout en amont, le producteur
doit quand même se dire qu'il joue dans une pièce dont le scénario lui échappe
totalement. Le mot de la fin de Laurent Pipitone : " Je suis inquiet et je
pense que cela pourrait avoir des répercussions de long terme. Si le marché du
cacao n’est plus profitable pour les producteurs, beaucoup vont souffrir,
nombreux vont rester parce qu’ils n’ont pas d’alternative, d’autres vont
quitter la production de cacao ".