Abidjan: Les pluies diluviennes font 8 décès dans les quartiers menacés en deux jours
Un amas de pierres. Des débris de briques. Des morceaux de mur. Un
matelas dont la plus grande partie est encore enfoui dans le sol. C’est le
matelas de dame Marie Lompo. Elle y a poussé son dernier soupir. Emportée par
un mur qui a cédé sous le poids d’une marre d’eau. Sa nièce Namouanon Lucie, 3
ans, qui se trouvait avec elle a aussi été tuée. Nous sommes à Angré 7e
tranche, entre le siège du Conseil national de la presse et le stade d’Angré.
La forte pluie de mercredi 23 mai a mis fin à la vie de la jeune fille. Qui
venait de se marier à Naba Hervé, commerçant à Angré.
De son Burkina Faso natal, elle avait trouvé l’amour. Un mariage
coutumier et elle obtient l’autorisation de la famille à rejoindre son homme.
Direction, Abidjan. Destination, le quartier chic de Cocody Angré 7e tranche.
Là, au dos d’un superbe immeuble, une maison de fortune. Le couple s’y est
installé. Mercredi dernier, Marie Lompo, vendeuse de cigarettes, quitte son
commerce aux environs de 16 h. La pluie l’empêchait de vendre. Elle est entrée
avec sa nièce. Le mur de la clôture de l’immeuble voisin, visiblement mal bâti,
s’est effondré sur eux. « Nous sommes sans voix. Elle était pleine de vie.
Quand elle a fermé son commerce pour rentrer, si on savait, on allait la
retenir » nous dit, les larmes encore aux yeux, son oncle Namoano Louis.
On a peur, mais on est là. Comme si on attendait la mort
Hier encore, il pleuvait lorsque nous sommes arrivés sur les lieux pour
quelques prises de vues. Vingt-quatre heures après le drame, le site est encore
envahi par des badaud. Les visages tristes, les gorges nouées.
Tout le petit monde présent est encore affecté. C’est qu’on pleure certes
une voisine, mais aussi on est inquiet pour les autres habitations. Là où dame
Marie Lompo a trouvé la mort, se trouve un bidonville très exposé. Logé au fond
du caniveau géant à ciel ouvert, il est sous la menace de deux terribles
dangers. Inondation et éboulement. « On a peur, très peur. Si on quitte aussi,
on ne sait pas où aller ».
Des jeunes, le regard fixé sur ce qui reste de la de la maison de Marie
Lompo s’interrogent. Une maison qui était beaucoup moins exposée que les leurs.
« Elle et son mari était un peu à l’abri, du moins c’est ce que nous pensions.
». Avec ce qui est arrivé, les habitants de ce bidonville d’Angré n’ont plus le
sommeil. Ils ont peur mais ils sont là. Comme s’ils attendaient la mort.
Même inquiétude à la Riviera Bonomoin. Dans les environs de la rue
ministre, abonnée aux inondations, il y a un bidonville. Eux aussi sont
attristés. Il n’y a pas eu de morts là-bas, mais au quartier voisin, un gamin,
Samadougou Brahima a trouvé la mort. Fauché par une clôture que rien ne
présageait à la chute. L’église évangélique La destinée, bâtie dans une zone en
principe pas sujette à risque, a vu hier sa clôture lâcher, et arracher la vie
à Samadougou Brahima qui préparait son entrée en sixième. Un autre gamin a été
blessé.
Hier aussi, la rue ministre de la Riviera a connu des montées d’eau de
ruissellement. Comme à chaque forte pluie. Dans ce quartier chic, on a bâti de
belles maisons sans prévoir le passage d’eau de ruissèlement.
On a même remblayé des passages naturels de l’eau, morceler l’espace en
lots pour les vendre à prix d’or à des particuliers. Tel le propriétaire du
luxueux lounge, ces night club ultra modernes. Beaucoup d’investissements dans
un basfond où précédemment les collines déversaient leurs eaux de
ruissellement…A chaque pluie, les mêmes dégâts. Après chaque pluie, les mêmes
travaux.
A Youpogon Bae, deux familles ont été ensevelies sous leurs maisons. Cinq
personnes tuées. A un endroit où on ne devait pas construire des maisons. Les
autres habitants de ce bidonville pleurent leurs amis mais aussi redoutent le
même scénario. D’autres pluies arrivent…Rien pourtant ne sera fait. Là comme
ailleurs. [...]