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Litige foncier de la station de recherche marc Delorme : le Cnra établit la vérité et appelle l’Etat à sécuriser ses sites

Acepnuci 16 Fév 2018 - 20H55
le Cnra établit la vérité et appelle l’Etat à sécuriser ses sites

La recherche agronomique ivoirienne était conduite à l’origine par les structures françaises de recherche. C’est ainsi que l’Institut de Recherche sur les Huiles et Oléagineux (IRHO) a été chargé de mener des actions de recherche sur le palmier à huile et le cocotier. Ce faisant, pour mieux conduire les activités de Recherche qui lui ont été dévolues, sur le territoire Ivoirien, un accord a été signé entre la République Française et la République de Côte d’Ivoire, le 13 avril 1962 créant IRHO (Institut de Recherche sur les Huiles et Oléagineux).

 

C’est dans le cadre de cet accord que l’Etat de Côte d’Ivoire par un arrêté N° 0571 du 22 mai 1967 a mis à la disposition de la station Marc Delorme de Port-Bouet une superficie de 788 ha situées à 12 Km de Gonzagueville. Un tel domaine devait permettre l’extension du site expérimental initial dont les laboratoires et les bureaux, se trouvaient, auparavant, sur la route de Bassam (aujourd’hui Gonzagueville IRHO/Station) avec quelques parcelles expérimentales.

 

Après l’extension sur le nouveau site qui est le site actuel, les travaux de terrain se déroulaient à la fois sur le site d’extension et l’ancien site. Les activités de laboratoire, les bureaux pour le personnel administratif et les logements des cadres et des techniciens se trouvaient jusqu’alors à Gonzagueville (Route de Bassam).

 

C’est en 1979, avec l’extension de l’aéroport que le décret N° 79200 du 17 mars 1979 a été signé, conférant à l’ancien site de la Station de Recherche CNRA de Port-Bouet (site de Gonzagueville) le statut d’utilité publique par le Président Félix Houphouët Boigny.

 

Ainsi par courrier N° 608 du 27 septembre 1979, le gouvernement de Côte d’Ivoire a mis à la disposition de l’IRHO des moyens financiers pour le transfert des laboratoires, des bureaux et des habitations sur le site d’extension octroyé par arrêté N° 0571 du 22 mai 1967. Donc, ce nouveau site n’a rien à avoir avec l’ancien site déclaré zone d’utilité publique par le décret N° 79200 du 17 mars 1979 auquel les opérateurs économiques du secteur privé font allusion.

En somme, c’est qu’au motif de ce que le site de la Station de Port-Bouet a été déclaré d’utilité publique, un certain nombre d’opérateurs économiques s’en sont prévalus pour demander l’appropriation du nouveau site qui n’est nullement concerné par une telle disposition.

 

En 1990, les structures françaises sont devenues les structures d’Etat de la Côte d’Ivoire. Pour prendre la recherche agronomique en main, l’arrêté N° 0237 du 12 octobre 1993 a consacré la création d’une cellule de gestion appelée IDEFOR (Institut des Forêts) pour la zone de forêt et l’IDESSA pour la zone de Savane. L’IDEFOR regroupait les anciennes structures de Recherche agronomique françaises de la zone de forêt. Toujours, pour redynamiser la Recherche, l’Etat de Côte d’Ivoire a décidé par le décret N° 98-326 du 15 juin 1998, la création du Centre National de Recherche Agronomique (CNRA) signé par le Président Henri Konan BEDIE, regroupant trois structures de Recherche. Il s’agit de l’IDEFOR, l’IDESSA et CIRT).

 

De cette façon, le patrimoine foncier détenu par les ex-structures françaises de recherche a été rétrocédé au CNRA, selon les mêmes termes que ceux prévalant avec ces anciennes institutions de recherche.

 

Ainsi, sur la base de cette concession, vingt-deux mille cinq cent (22.500) hectares ont été concédés au CNRA pour y mener des activités de recherche et tester dans des conditions « grandeur nature » toutes les nouvelles variétés performantes sélectionnées au profit des populations et des sociétés agro-industrielles.

 

A titre d’illustration, depuis sa création, le CNRA met en œuvre en moyenne 20 programmes de recherche, portant sur toutes les productions végétales (cultures de rente et vivrières) et animales pertinentes pour le pays. Ces 17 dernières années, ce centre s’est révélé être un instrument indispensable pour l'atteinte des objectifs du Programme National de Développement Agricole (PNDA). Ainsi, par l'amélioration de la productivité et de la compétitivité agricoles, notamment des cultures de rente et vivrières, le CNRA contribue à la réduction de la pauvreté et à la quête de la sécurité et de la souveraineté alimentaires. Grâce à son génie créateur, le CNRA a mis en œuvre :

 

- le cacao 18 mois ou cacao Mercedes qui est une variété de cacao précoce dont le rendement est d’au moins 3 tonnes contre 500 kilogrammes par le passé ;

- le café Émergence, une variété de café à haut rendement qui entre en production au bout de 12 mois seulement avec un rendement de 3,5 tonnes contre 500 kilogrammes;

- la reconstitution du schéma de production de semences améliorées de coton qui a permis le redémarrage de la production du coton dans la zone nord du pays, après la crise socio-politique ;

- les variétés améliorées de manioc appelées « BOCOU », avec un rendement de 30 tonnes/ ha;

- les techniques de production de contre-saison à haute intensité pour la banane plantain;

- la diffusion de matériel végétal plus productif d'anacardiers…

 

Il est important de souligner que les innovations suscitées proviennent des importantes collections de ressources génétiques dont la conservation, l'entretien, le maintien et la sauvegarde sont assurés par les équipes du CNRA sur le patrimoine foncier qu’il détient.

 

Le CNRA dispose de 20 stations de recherche et d’expérimentation et de 18 sites annexes couvrant 27 198 ha, dont 13 602 ha dotés d'un titre foncier au nom des anciennes structures françaises de recherche; 12 415 ha dotés d'un arrêté ministériel et 1 181 ha résultant d'accords selon le droit coutumier.

 

Si avant la création du CNRA, la question de l’agression du patrimoine foncier du CNRA était minime (34 ha dont 32 ha de cacaoyer et 2 ha de caféier infiltrés par des producteurs à Oumé, en 1985), cette question est devenue plus récurrente et s’est accrue avec :

 

-         l’infiltration de 1050 ha du domaine CNRA à San Pédro, sis au Pont Bascule, sur la route de Soubré à 20 Km de San Pédro par des producteurs ;

-         l’occupation de 5 ha de l’ancien site de la SRT du CNRA devenue domaine de l’ordre de Architecte, au Carrefour de la vie, à Cocody, en septembre 2008;

-         l’occupation de 35 ha en 2008, du site expérimental de la Station de Recherche de Bingerville qui abritait la collection de cacaoyers pour la construction de l’Hôpital Mère-Enfant ;

-         etc…

Malgré l’occupation des sites ci-dessus indiqués, l’agression du patrimoine foncier du CNRA est devenue beaucoup flagrante et inquiétante, avec le cas de la Station Marc Delorme de Port-Bouët, site de 788 ha, dédié à la recherche sur le cocotier.

 

En effet, vu la qualité et la quantité des activités de Recherche menées sur le cocotier, la station Marc DELORME dispose actuellement d’une cocoteraie de 125 variétés d’origines diverses et mondialement reconnues. Cette particularité, en termes de diversité des variétés et de disponibilité de ces mêmes variétés au niveau du cocotier au même endroit, dans un même espace,  vaut à la Station de Recherche du CNRA sur le Cocotier le privilège d’être érigée au statut de patrimoine mondial depuis 1999 par la FAO et IPGRI (devenu Bioversity International). Ce statut a été renouvelé en 2007. Partant de ce fait, la collection des variétés de cocotiers originaires des différents pays conduisant des activités de recherche sur le cocotier, à travers le monde entier et conservées à la Station CNRA de Port-Bouet a reçu l’appellation de Collection Internationale des Ressources Génétiques du Cocotier. Le CNRA a, alors, au nom de l’Etat de Côte d’Ivoire pris un engagement international auprès de la FAO et de Bioversity International (anciennement IPGRI) pour garantir sa gestion, en vue de permettre à tous les pays demandeurs de disposer de ces ressources en quantité et en qualité.

 

C’est à partir de 2009, que les problèmes fonciers à la Station Marc DELORME ont commencé avec le village voisin de Mafiblé 2. En fait, ce village n’existait pas avant ; les occupants du site ayant été dédommagés à hauteur de 28.192.963 F pour 20 personnes, depuis l’année 1980 par l’Etat de Côte d’Ivoire, avant le transfert des infrastructures, en 1979.

C’est par pure et simple générosité des responsables d’alors qu’une parcelle a été cédée à certains travailleurs originaires des pays voisins qui faisaient valoir leur droit à la retraite. Un conflit a éclaté entre le Station CNRA de Port-Bouet et les habitants de MAFIBLE 2, au sujet d’une parcelle abattue par le CNRA pour des besoins de replantation que les villageois voulaient récupérer. C’est ainsi que le Préfet de la région d’Abidjan a été saisi. Après avoir rencontré la population de ce village (Mafiblé 2), le Préfet a adressé un courrier (N° 170/PA/SG/D2) le 16 mars 2009 à la Station Marc DELORME du CNRA, l’autorisant à poursuivre ses activités de recherche sur cette parcelle conformément à son chronogramme.

 

La même année 2009, un courrier du collectif des villages Ebrié avec des documents d’appui du Ministère de la Construction et des Grosses de justice qui leur confèrent le statut de propriétaire a été remis aux responsables de la Station CNRA de Port-Bouet. Ni les responsables de la station Marc DELORME du CNRA, ni la Direction Générale du CNRA n’avaient été saisies auparavant d’une telle démarche qui n’a nullement tenu compte de l’existence du CNRA. Alors, les autorités compétentes ont été saisies, à savoir :

-         le préfet d’Abidjan ;

-         la justice ;

-         notre Ministère de tutelle (Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique).

 

Le Préfet de région d’alors, en fonction, a visité la station Marc Delorme pour s’imprégner de ce dossier avant de recevoir les Ebrié. Au cours de leur rencontre, il leur a intimé l’ordre de laisser travailler le CNRA, sauf décision contraire du Chef de l’Etat. Une décision de justice avait également consacré la suspension des activités de destruction.

 

Sur la base du constat fait en faveur du CNRA et de sa Station de Recherche Marc Delorme, notre Ministère de tutelle saisi, a adressé une correspondance aux Ministres de la Défense et de la Construction pour qu’une communication en conseil des ministres soit faite pour informer le Gouvernement. Toutes les démarches sont restées sans suite.

 

Cependant, en vue de matérialiser les limites du site de la Station Marc Delorme, pour éviter les conflits, une équipe du Ministère de la Construction a été reçue sur la station. Celle-ci a procédé au bornage du site du CNRA.

 

C’est à partir de 2012, alors que les activités scientifiques et de recherche se déroulent correctement sans aucune perturbation, des opérateurs économiques sont venus prendre contact avec les responsables du site de Port-Bouet pour leur indiquer les limites du domaine CNRA. N’ayant eu aucun retour du travail fait par ces opérateurs, c’est donc, avec surprise et contre toute attente qu’en août 2014, nous apprenions, par voie de presse, le lancement de deux enquêtes de commodo et incommodo sur les parcelles du CNRA pour lesquelles les responsables ont fait opposition.

 

En outre, le 05 février 2015, 2 bulldozers ont été parqués nuitamment dans le village de Mafiblé 2 où les conducteurs ont passé la nuit afin de pouvoir détruire les cocotiers très tôt le matin. Le lendemain matin, tous les travailleurs se sont rendus dans le village. Le Directeur de la Station Marc DELORME, a informé la gendarmerie et le Directeur Régional du CNRA des évènements. Les conducteurs des 2 bulldozers ont quitté les lieux en présence du Commandant de Brigade de la gendarmerie de Vridi et du Directeur Régional du CNRA.

 

Le lundi 16 février 2015, un chargeur frontal est arrivé vers 13 h accompagné des agents en tenue se faisant passer pour des FRCI. Ce chargeur frontal a abattu 109 pieds de cocotier, soit près d’un hectare. Les travailleurs mobilisés, l’ont arrêté. Le commandant de Brigade de la gendarmerie de Vridi a été informé. Ce dernier a, à son tour aussitôt, informé les responsables des FRCI. Tous, arrivés sur le lieu ont constaté que les éléments soit disant FRCI n’ont été mandatés par personne.

 

Une plainte a été déposée par le CNRA contre les commanditaires, mais celle-ci est restée sans suite.

 

En 2017, en vue de mieux s’imprégner de la situation qui perdure depuis 2009 et pour laquelle l’Etat a été constamment interpellé, l’Etat a mandaté une mission gouvernementale (Présidence de la République, Primature, Ministère de la Construction, du Logement, de l’Urbanisme et de l’Assainissement, Ministère de l’Agriculture, Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique) qui a entendu toutes les justifications avec preuves de l’existence et de l’importance de la station au plan national, international et surtout de son rôle dans le développement de la cuniculture, à travers la création de nouvelles variétés au moins dix (10) fois plus productives que les variétés traditionnelles. Des visites de terrain ont été faites après les exposés. A la suite de ces visites, des réunions d’explication ont également été faites à la primature.

 

Mais grande est notre surprise de constater que la primature a sollicité le CIRAD (Centre International pour la Recherche Agricole et le Développement) de la France pour un appui technique à l’Etat de Côte d’Ivoire (Primature), en vue de transférer la Station Marc DELORME du CNRA et la collection internationale de cocotier classée patrimoine international pour permettre la mise en place de programmes immobiliers au profit d’acquéreurs privés, au motif de l’Urbanisation du Grand Abidjan qui doit se mettre en place.

 

Il est à noter qu’à travers le monde, des Stations de recherche sur le cocotier existent bel et bien en ville dans des pays comme c’est le cas en Inde, aux Philippines…. Même en Côte d’Ivoire, la forêt classée du banco est en pleine ville d’Abidjan.

 

 

 

Si l’option du transfert de la Station du CNRA de Port-Bouet vers un autre site est prise par l’Etat de Côte d’Ivoire au détriment de sa Recherche Nationale, et plus précisément, des engagements internationaux relatifs à la gestion de la Collection Internationale de Cocotier, quel sera le sort des autres sites du CNRA, notamment Anguédédou, Bimbresso, Bingerville, etc où des problèmes fonciers récurrents se posent ?

 

Au regard de l’importance de la Recherche Agronomique nationale qui a été reconnue comme étant stratégique (Communication en Conseil des Ministres du 06 décembre 2017), il appartient à l’Etat de Côte d’Ivoire de sécuriser le patrimoine foncier du CNRA, en Général, et celui de la Station de Recherche de Port - Bouet, en particulier. Pour y parvenir, l’Etat devra prendre :

 

-         un décret présidentiel d’urgence pour sécuriser et garantir la non-agression du patrimoine foncier du CNRA,

-         la rétrocession des sites occupés (San Pédro, Oumé, Cocody et Bingerville) ou en cours d’occupation (Site de la Direction Générale du CNRA) au CNRA,

-         la prise en compte du problème foncier du CNRA dans l’ordre du jour des travaux du groupe de travail mis en place par le gouvernement suite à la communication en conseil des Ministres du 06 décembre 2017 et dont le terme des travaux est prévu pour la fin du mois de mars 2018,

-         déclarer dans ce décret le patrimoine foncier du CNRA d’utilité et d’intérêt nationaux et internationaux,

-         clôturer, en urgence, la Station CNRA de Port-Bouet et les autres sites graduellement,

-         Recaser ou rembourser les privés à qui le site du patrimoine mondial détenu par le CNRA a été vendu.

 

Fait à Abidjan le 14 février 2018

Équipe de Recherche de la Station Marc Delorme sur le cocotier

Collectif des Syndicats du CNRA

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