Côte d’Ivoire : lettre ouverte à Madame Françoise Le Guennou-Remarck, Ministre de la Culture et de la Francophonie
Par Soumahoro Alfa Yaya. Journaliste-Ecrivain ivoirien. Membre du Bureau
Ivoirien du Droit d’Auteur (BURIDA). N° matricule : 9323.
------
De la nécessité de la mise en place
ou de la dynamisation d’un fonds d’aide à la création littéraire, de l’édition
et de l’impression du livre en Côte d’ivoire.
Comparaison n’est pas raison, au
Sénégal, le Fonds du Livre est de plus d’un milliard de Francs CFA ;
-------------------
Madame la Ministre,
Je voudrais à l’avance vous
présenter mes déférentes excuses quant à l’emploi pêle-mêle des pronoms
personnels ‘’Je et nous’’ ; cela n’entame en rien la compréhension de cette
missive ministérielle.
En France, le pays précurseur de la
Francophonie, ‘’on se nourrit de pain et de livres’’ ; le livre fait partie de
l’ADN culturel de ce pays.
La Côte d'Ivoire n’a pas à en pâlir
outre mesure tant notre beau pays fait partie des nations qui tiennent le
flambeau des belles lettres écrites au fronton du continent africain.
La Côte d’Ivoire a engendré de
belles fleurs littéraires pré et post coloniales à l’instar des Bernard Dadié,
Gérard Aké Loba, Ahmadou Kourouma, Véronique Tadjo, Amadou Koné, Camara
Nangala, Fatou Keïta , Tiburce Koffi, Serge Bilé…
Elle compte à juste titre, ses
illustres Grands Prix Littéraires d’Afrique Noire :
Aké Loba 1961: Aké Loba (Côte
d'Ivoire), Kocumbo, l'étudiant noir.
1981 : Jean-Marie Adiaffi (Côte
d'Ivoire), La Carte d'identité.
1990 : Ahmadou Kourouma (Côte
d'Ivoire), Monnè, outrages et défis.
1993 : Maurice Bandaman (Côte
d'Ivoire), Le Fils de la femme mâle.
2005 : Véronique Tadjo (Côte
d'Ivoire), Reine Pokou.
2012 : Venance Konan (Côte
d'Ivoire), Edem Kodjo: un homme, un destin.
Il serait fastidieux de citer ici
toutes ces belles plumes ivoiriennes, au risque d’en oublier, car tout choix
est d’office contestable ; et je m’en n'excuse à l’avance.
Toutefois, on ne peut passer sous
silence les plumes sorties du boisseau de la jeune génération d’écrivains à
l’instar de Josué Guébo, Macaire Etty , et les écrivains Ivoiriens prolixes
comme feu Isaïe Biton Coulibaly et Anzata Ouattara…
Vu ce flamboyant tableau littéraire
à l’eau orange-blanc-vert, force est de constater que les jeunes générations
qui ne manquent pas de talents, peinent hélas à se faire éditer.
C’est un secret de polichinelle que
d’entendre dire à tort ou à raison qu’en Afrique, singulièrement en Côte
d'Ivoire ‘’ on ne lit pas’’.
Malgré cette assertion, des
Ivoiriens talentueux continuent vaille que vaille à produire des
‘’fruit-arc-en-ciels’’ issus de leurs plus belles plumes dans un environnement
économique somme toute morose où, à part les livres scolaires, les invendus
s’accumulent, les stocks constituent des montagnes de livres cadavériques
enfouis dans les tréfonds des entrepôts ; des entrepôts au demeurant, devenus
de véritables cimetières du livre.
Et pourtant les filles et fils de
la Côte d'Ivoire continuent de graver à lettres d’or les plus belles pages de
sa production livresque de belle facture !
Cependant, je souhaiterais attirer
votre attention sur une question cruciale qui touche notre communauté
littéraire et éditoriale : l'accès aux ressources financières pour les auteurs,
les éditeurs et les acteurs de la chaîne du livre en Côte d'Ivoire. Il est de
notoriété publique que le monde de l'édition, de la littérature est confronté à
des défis financiers considérables, qui entravent la création, l'édition et la
promotion de nos œuvres littéraires. Cela limite notre capacité à raconter nos
histoires, à faire rayonner notre culture et à participer activement au
‘’Rendez-Vous du Donner et du Recevoir’’ à l’échelle nationale, continentale et
internationale.
Ainsi, nous auteurs ivoiriens
sollicitons votre soutien pour deux initiatives essentielles qui pourraient
avoir un impact significatif sur le développement de la littérature et de
l'édition en Côte d'Ivoire.
Cela pourrait se traduire par la
vulgarisation du Fonds d'aide à la Création Littéraire et à la Promotion du
livre ; si cela n’est déjà fait. La Côte d’ivoire à travers le Ministère de la
Culture de de la Francophonie que vous avez l’honneur de diriger, pourrait
s’inspirer du Centre National du Livre en France premier soutien du livre et de
la lecture dans ce pays.
Le CNL a pour ‘’mission
d’encourager la création et la diffusion d’ouvrages de qualité à travers de
nombreux dispositifs d’aide aux acteurs de la chaîne du livre (auteurs,
éditeurs, libraires, bibliothèques, organisateurs de manifestations
littéraires) et de favoriser le développement de la lecture, auprès de tous les
publics’’.
Comparaison n’est certes pas
raison, au Sénégal, ‘’Le fonds d'une valeur de 600 millions de francs
CFA,(aujourd’hui presqu’un milliard de Francs CFA) créé depuis 2004 et
opérationnel en 2009, prévoit outre la production littéraire, la promotion des
œuvres publiées et des auteurs, le renforcement des capacités des écrivains à
travers des résidences d'écriture et la décentralisation des activités
littéraires’’.
Nous vous encourageons vivement à
entreprendre des efforts pour rendre ces fonds plus accessibles et
transparents, en informant largement la communauté littéraire et éditoriale sur
leur existence, leurs modalités d'accès, et les délais de soumission.
Au demeurant, nous convenons que
“La lecture apporte à l'homme plénitude, le discours assurance et l'écriture
exactitude.’’
(Francis Bacon).