Côte d’Ivoire : l’onéreuse facture (provisoire) de la mutinerie
La facture risque d’être salée! Au terme de quatre jours de mutineries
qui ont fait craindre le pire, c’est une Côte d’Ivoire impactée par la chute
des cours du cacao qui évalue le coût du blocage de son économie déjà sous
pression. Après avoir annoncé l’aboutissement d’un accord, les membres du
gouvernement d’Amadou Gon Coulibaly vont sortir les calculettes pour évaluer
l’addition de ces actes de rébellion. Alassane Ouattara et son équipe jouent
ici un exercice d’équilibriste avec en toile de fond, des coupes budgétaires.
Au-delà du tabou en cette période morose, la question s'impose
d'elle-même : combien l'Etat ivoirien a débité de ses caisses pour mettre fin
aux mutineries ? Le plus grand secret entoure pour le moment le contenu du
«deal» scellé avec les mutins. Mais des informations qui fuitent, on croit
savoir que l'Etat ivoirien a décidé de verser dans un premier temps 5 millions
de Fcfa aux 8 400 mutins.
A chaud, l'Etat met la main à la poche
Face au spectre d'une insurrection armée, l'Etat s'est vite retourné
vers ses réserves. Pour acheter la paix, il a moins compté ses centimes. En
tout cas, l'addition de la somme qui devrait sortir dans l'immédiat des caisses
de l'Etat est équivalente à 42 milliards de Fcfa qui permettront de verser à
tous les mutins, leur second versement (5 millions chacun). Et ce n'est pas
tout.
En juin prochain, l'Etat devra ensuite débloquer 16,8 milliards de
Fcfa pour remettre un troisième versement de 2 millions Fcfa chacun. Au total,
en l'espace d'un mois, l'Etat devrait donc débourser près de 59 milliards de
FCFA pour éponger l'ardoise des primes dues aux mutins. Toute la question est
de savoir maintenant comment l'Etat va décaisser cette enveloppe, alors qu'une
semaine plus tôt, il annonçait des coupes budgétaires pour faire face à une situation
économique difficile.
Impactée par une baisse brutale de 35% des cours mondiaux du cacao, la
Côte d'Ivoire avait dû amputer 10% à son budget 2017 via une loi rectificative
des Finances. Le budget ivoirien est ainsi passé de 6501,4 milliards de Fcfa à
6447,6 milliards de Fcfa soit 53,8 milliards de coupes budgétaires destinées
selon Anne Désirée Ouloto, porte-parole du gouvernement, à compenser la baisse
des prix du cacao, la hausse des cours du pétrole et.... «aux revendications
sociales» ! Largement insuffisant pour assurer, en un seul versement de 7
millions de FCFA, le reliquat des primes aux mutins.
Quatre jours de peur et des impacts sur l'économie
Il faut savoir que le pouvoir d'Alassane Ouattara a choisi de
manœuvrer pour ne pas verser le reliquat des 12 millions de primes promis en
janvier dernier, après une dizaine de jours de mutineries dans plusieurs villes
du pays. Une manœuvre qui permet à l'Etat d'obtenir un répit dans la poussée de
fièvre des mutineries qui commençaient à se gagner les casernes.
Ironie du sort ou conjonction d'évènements malvenus ? Alors que la
mutinerie arrivait aux villes, les cours du cacao, principal argument du
gouvernement pour faire avaler la pilule de l'austérité, bondissaient de 4,4%,
sans doute sous l'effet d'une spéculation autour d'une probable baisse de la
production.
Néanmoins, la facture des mutineries est plus salée. A l'enveloppe que
l'Etat ivoirien doit décaisser, il faut désormais y ajouter l'addition de
quatre jours d'arrêt des activités dans le pays. Il faut aussi joindre à cette
note, les dégâts matériels observés dans les différentes villes et dans une
moindre mesure, les actes de vandalisme. Sans compter l'impact que ces quatre
jours de peur auront sur l'image d'une Côte d'Ivoire qui s'apprête à accueillir
en juillet prochain, les Jeux de la Francophonie.
La facture est très amère pour l'Etat. Pour plusieurs Ivoiriens, là où
la promesse de satisfaire les mutins aurait pu être réalisée depuis janvier,
leur gouvernement n'aura fait que retarder l'échéance au prix de longs jours de
terreur et d'incertitudes, pour finalement passer à la caisse.