Dossier : Le Nigeria, terre de prédilection de la cybercriminalité
-Les actes de cybercriminalité coûtent chaque année près de 450 millions $ US au Nigeria
-Selon les
experts, les activités du groupe Boko Haram et la généralisation de l'accès aux
TIC constituent un facteur aggravant
-Une nouvelle
législation a été mise en place, ainsi que diverses initiatives
gouvernementales
Un
couple suédois est arrivé à Lagos le 8 mars dernier dans le but de prendre le
contrôle d'une compagnie pétrolière dans laquelle il avait investi environ 3
millions $ US, par le biais d'une offre sur Internet.
Les
responsables du Département des Enquêtes criminelles et du Renseignement
(CIID), une unité de la police nigériane, avaient eu du mal à aider les deux
ressortissants suédois en pleurs, après que ces derniers eurent raconté comment
ils avaient été mis au courant de l'offre sur Internet et décidé d'investir
leur épargne-retraite dans l'affaire.
Dans
les villes telles qu'Abuja, Lagos et Port Harcourt, le CIID est souvent inondé
de différentes affaires liées à une pratique qui s'est popularisée au Nigeria
sous l'appellation d'arnaque "419" ou "lettre nigériane."
La Lettre nigériane ou
"arnaque 419"
Dans
de nombreux pays, le terme de "lettre nigériane" renvoie à une lettre
magnifiquement écrite, pour solliciter un investissement ou un partenariat en
vue d'un transfert de fonds du compte d'un père riche en délicatesse avec le
gouvernement.
Dans
certains cas, les escrocs vont jusqu'à prétendre être les enfants de dirigeants
militaires défunts, tels que Sani Abacha (qui a été accusé d'avoir détourné des
millions de dollars des caisses de l'Etat) et qu'ils souhaitent transférer
d'énormes sommes d'argent du compte caché de leur père vers un compte
off-shore, afin d'éviter que les agences gouvernementales compétentes ne
parviennent à remonter jusqu'à leurs propriétaires.
Au
début des années 1990, le business du "419" était circonscrit à Lagos
et n'était l'apanage que de ceux qui avaient accès à l'Internet ou qui
disposaient de réseaux d'amis ou de relations en dehors du territoire nigérian.
Mais
avec la libéralisation du secteur de la communication par le gouvernement et un
accès accru à l'Internet, ainsi que l'étalage de leurs richesses par les
fraudeurs, le "419" est devenu si attrayant que la plupart des jeunes
diplômés dans les villes du Nigeria passent de longues heures par jour sur
Internet, mettant subtilement au point le dernier attrape-nigauds, avec comme
cible privilégiée, les étrangers.
Hausse de la
cybercriminalité
En
mars dernier, lors d'un atelier organisé par l'Agence pour le développement des
technologies de l'information pour renforcer les capacités des médias en
matière de couverture des actes de cybercriminalité, il a été révélé que le
Nigeria perd 89,55 milliards de nairas (près de 450 millions de dollars) par an
à cause de la cybercriminalité.
Oscar Ekponimo est un
expert en cybersécurité basé au Nigeria.
Il
explique que la cybercriminalité était constamment en hausse au Nigeria ces
dernières années, avec l'avènement du mobile, en partie parce que plus de 60%
de la population nigériane a accès aux téléphones portables et environ 65
millions de personnes utilisent l'Internet.
Selon
l'expert, la forte pénétration du mobile, de même que l'utilisation d'Internet,
font du cyberespace une arène précieuse pour les échanges de biens et de
services à valeur de compensation monétaire, mais cette utilisation alimente
également la cybercriminalité.
Les
cybercriminels ont également profité de l'insurrection du groupe militant Boko
Haram pour abuser les organisations internationales, ainsi que des individus
qui envoient, sans méfiance, de l'aide au profit des victimes des attaques
terroristes.
Les
criminels ont mis en place des sites Web sollicitant de l'aide au nom des
victimes.
Lutte contre la
cybercriminalité
Dans
le cadre des efforts visant à freiner les activités cybercriminelles, le
gouvernement nigérian a introduit certaines mesures telles que la loi sur la
cybercriminalité, entrée en vigueur le 15 mai 2015.
Les
dispositions de la nouvelle loi prévoient les conditions de la prévention de la
cybercriminaliteé et les réponses idoines apportées par les pouvoirs publics.
Il
s'agit d'un texte élaboré censé protéger les Nigérians d'individus sans
scrupules qui utilisent l'Internet pour arnaquer les citoyens et organisations
sans méfiance.
Oscar
Ekponimo évoque également la mise en place en 2014 des équipes d'intervention d'urgence
en informatique pour gérer les incidents liés à la cybersécurité et
l'inauguration d'un conseil consultatif sur la cybercriminalité, dans le cadre
des efforts gouvernementaux en vue de lutter contre le fléau.
Oko
Johnson, étudiant en informatique à l'Université fédérale de technologie, à
Minna, dans l'Etat du Niger au Nigeria, estime que l'Internet offre beaucoup de
possibilités.
"Mais le gouvernement doit se pencher sérieusement sur comment ces possibilités sont utilisées, dans la mesure où les jeunes gens dans les écoles secondaires et les institutions supérieures d'éducation voient maintenant en l'Internet une opportunité de se faire de l'argent [grâce à des pratiques frauduleuses]."
Source: scidev.net | Mardi 05 juillet 2016