Boko Haram attaque une école au Nigeria : 111 lycéennes disparues
Cent onze lycéennes étaient toujours portées disparues mercredi dans le
nord-est du Nigeria deux jours après l'attaque d'une école de filles par des
combattants de Boko Haram. Les insurgés du groupe djihadiste nigérian, lourdement
armés, ont mené lundi un assaut sur le village de Dapchi, dans l'Etat de Yobe,
tirant en l'air et faisant exploser des grenades, selon les témoignages des
habitants recueillis par l'AFP.
La plupart des élèves et les professeurs de la Girls Science Secondary
School, un internat, se sont enfuis en brousse, craignant d'être enlevés par
les combattants, comme ce fut le cas pour les lycéennes de Chibok, dans l'État
voisin du Borno, il y a quatre ans. Selon le ministre de la Police de l'État de
Yobe, Abdulmaliki Sumonu, « 815 étudiantes sont rentrées » à Dapchi, où elles
ont été « vues », sur un total de 926 élèves. « Les (111) autres sont
manquantes », a-t-il déclaré, tout en précisant qu'« aucun cas d'enlèvement n'a
pour l'instant été établi ».
« Une expérience traumatisante »
Jointe au téléphone par l'AFP, l'une des jeunes filles ayant réussi à
s'échapper, Aisha Yusuf Abdullahi, a décrit « une expérience traumatisante ». «
Nous étions dans la mosquée sur le point de commencer les prières du soir quand
nous avons entendu des coups de feu », a expliqué l'adolescente de 16 ans. «
Dans la panique, certaines ont escaladé la clôture et sauté dans des véhicules
stationnés à l'extérieur, sans savoir à qui ils appartenaient ». Aisha a dit
être parmi les « chanceuses » qui sont « rentrées en courant » dans l'école
jusqu'au bureau de la directrice, où elles sont restées cachées en attendant
que les insurgés repartent. « Nous sommes sans nouvelles de celles qui sont
entrées dans les véhicules, a-t-elle ajouté. Nous avons le sentiment qu'elles
ont été emmenées par les hommes armés. »
L'internat, qui accueille des filles âgées de 11 ans et plus, a été fermé
pour une semaine, mais les familles des élèves manquant à l'appel se sont
rassemblées dans la matinée devant ses portes pour réclamer des explications,
craignant le « pire ». « On nous a dit qu'elles s'étaient réfugiées dans
d'autres villages, mais nous avons été dans tous ces villages mentionnés, en
vain », a déclaré à l'AFP Abubakar Shehu, dont la nièce fait partie des
disparues. « Nous commençons à craindre que le pire se soit produit, a-t-il
ajouté. Nous avons peur d'avoir affaire à un nouveau scénario de Chibok. »
L'armée déployée
Le groupe djihadiste Boko Haram, dont le nom signifie « l'éducation
occidentale est un péché », mène depuis 2009 une insurrection sanglante dans le
nord-est du Nigeria ayant fait plus de 20 000 morts et 2,6 millions de
déplacés. Il a kidnappé des milliers de personnes, dont des femmes et des
enfants, mais c'est l'enlèvement de 276 lycéennes à Chibok en 2014 qui avait
déclenché une vague d'indignation mondiale, donnant au groupe une tragique
notoriété sur la scène internationale.
Le président Muhammadu Buhari a ordonné à l'armée de « prendre
immédiatement les choses en main » et de « l'informer de l'évolution de la
situation », a déclaré mercredi à Abuja le ministre de l'Information, Lai
Mohammed, à l'issue d'un conseil des ministres. Lai Mohammed a précisé qu'il se
rendrait jeudi à Dapchi avec une délégation conduite par le ministre de la
Défense.
Kidnapper pour récupérer de
l'argent
Les véritables motivations des assaillants à Dapchi restent floues, même
si certains villageois affirment qu'ils ont visé en priorité l'établissement
scolaire. Après s'être rendus dans l'école déserte, les insurgés ont en outre «
pillé » plusieurs magasins à la recherche de vivres et de matériel, selon des
médias locaux. Les rumeurs de paiement de rançons en échange des lycéennes de
Chibok libérées pourraient inciter le groupe djihadiste à commettre d'autres
enlèvements, prévient Amaechi Nwokolo, analyste pour le Roman Institute for
International Studies à Abuja. « Ils ont compris que les kidnappings peuvent
être un nouveau moyen de récupérer de grosses sommes d'argent » pour acheter
des armes, des munitions et des véhicules, souligne-t-il.
Mais, selon d'autres observateurs, la quête de moyens de subsistance au
jour le jour reste le principal objectif du groupe djihadiste. « Le seul but
était le pillage », estime ainsi Babaji Katagum, ancien commandant de l'armée
nigériane. « Je ne pense pas qu'ils aient voulu enlever qui que ce soit. Ils
cherchaient juste de la nourriture et autres denrées. »
Pour Yan St-Pierre, consultant en contre-terrorisme pour le Mosecom
(Modern Security Consulting Group), le kidnapping reste toutefois une vieille
méthode pour Boko Haram : « Ils organisent des enlèvements toutes les semaines,
même sans rançon, pour maintenir la pression. »